avec Miss Psychomot

Psychomotricien(ne), milieu médico-social et désillusions

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Cette lettre était à la base destinée à moi-même… Une sorte d’exutoire à la colère, la frustration, le dégoût et l’incompréhension…

Car quand nous faisons nos études de psychomotricité, nous nous faisons une représentation plus ou moins fantasmatique de notre pratique future! Représentation généralement empreinte de bienveillance, d’empathie et notre objectif reste le bien-être et l’évolution dans une harmonie psycho-corporelle des patients… Puis il y a la réalité du terrain, pas toujours rose…

Je me retrouve aujourd’hui partager cette lettre car je sais que je ne suis pas la seule à ressentir cette impuissance, ce désarroi. La profession de psychomotricien est une belle profession et devrait être reconnue à juste titre. J’espère que cette lettre ne découragera personne, ni les actuels professionnels, ni la future génération de psychomotriciens. Il faut plutôt la prendre comme une sonnette d’alarme, une prise de conscience, un mouvement d’esprit permettant d’aller vers un mieux être et un mieux vivre au travail, un désir de faire valoir et de faire avancer les choses…

 

 

Cette lettre représente une tranche de vie professionnelle, vécue et de mon point de vue, mon ressenti à un instant t… Chacun aura sa propre vision, sa propre interprétation des situations relatées. Chacun aura également sa propre réaction… La mienne a été de me tourner vers une pratique différente en laissant derrière moi tout ce sur quoi je n’ai malheureusement aucun pouvoir.

J’ai longtemps hésité à me lancer dans ce petit exercice d’écriture qui soulève et remue beaucoup de choses en moi, mais qu’à cela ne tienne je lance ma pierre…

Mon écrit n’est sûrement pas exhaustif et il ne va très certainement représenter qu’une infime partie de l’iceberg mais il est important pour moi car c’est ici mon ressenti que j’expose, pas une étude poussée avec preuves scientifiques ou juridiques à l’appui.

Je suis psychomotricienne depuis déjà treize ans… Je dis déjà car je n’ai pas vu le temps passer et pourtant j’ai cette impression d’être arrivée au bout (ou plutôt « à bout »).

Plusieurs déménagements et deux grossesses durant ce laps de temps de vie.

 

Pas tout à fait dix structures médico-sociales investies (EHPAD et FAM à mon actif, j’espère que les structures médico-sociales de l’enfance sont mieux loties), huit pour être précise et je suis aujourd’hui effarée, dépitée voire dégoûtée du milieu dans lequel je travaille. Parmi ces structures, toutes sans exception m’ont renvoyé ce sentiment de ne pas être à ma place…

Et pourtant quand je vois les résidents, je sais que je leur apporte beaucoup, les mots sont inutiles, tout est dans le non verbal… Et cela me fait de la peine, oui, car je suis heureuse de voir ce que j’apporte et aussi pleine de ressentiment face au milieu… pas l’équipe pluridisciplinaire aussi nombreuse soit elle, non, vraiment cette atmosphère qui règne de façon permanente et oppressive au sein de ces structures….

 

La vitrine, la belle vitrine du médico-social… Dans le FAM ou j’étais en service, ce sont les activités qui rythment la journée: deux heures le matin puis encore deux heures l’après-midi, du lundi au vendredi à heures fixes. Bien sûr avec tout un panel d’activités impressionnant! Cette vitrine est aussi belle extérieurement qu’elle est vide de sens dans son contenu. Professionnels et résidents s’y perdent, sans compter sur le turn over des équipes avec intervention de nombreux remplaçants qui doivent s’immerger immédiatement (émotionnellement et physiquement) dans ce bouillon d’activités avec des résidents souvent « sur le fil » psychiquement parlant… Résidents et personnels ne sont ici que des pions. L’humain, on s’en fout… Le résident… on le balade d’activité en activité parfois (souvent) en ne prenant pas compte de ses envies… Selon moi les PP (projets personnalisés) sont de vastes blagues qui sont là pour rassurer la famille et les équipes qu’elles font bien leur job, sauf que la plupart des résidents ne sont pas capables d’exprimer leur ressenti ou ne comprennent pas le sens du « blabla » institutionnel de leur PP…. mais bon, (cf plus haut) on s’en fout…

Les hautes sphères ne pensent qu’à l’image de l’établissement, il faut être bien noté, donc il faut que sur le petit fascicule d’accueil ça envoit du lourd! Et puis il faut remplir les établissements… une place se libère, vite il faut la remplir… Mais avec qui? Le dossier du patient/résident futur, oulà (mais ça aussi on s’en fout en fait, faut remplir!!!) et bien au vue des pathologies qu’il présente il sera bienvenu (tant qu’il paye). Sauf qu’à force de remplissage « forcé » et bien on peut vite se retrouver face à des pathologies qui dépassent le mode d’accueil et les capacités professionnelles du personnel pas formé pour ces cas… Et là c’est la dégringolade! Que la foire aux non-sens commence!

 

Et la psychomot dans tout ça?

Ah oui la psychomot (« elle est encore là elle? » « à quoi elle sert déjà? », « avoir une psychomot c’est un luxe » et j’en passe)… La psychomot pleine de bons sentiments, de volonté, d’empathie tente (« de démêler ce bordel ») d’apporter sa petite note de confort, bien-être au résident. SAUF qu’on pourra dire ce qu’on veut, la psychomotricité est souvent mal (re)connue par les autres professionnels, il faut constament savoir s’imposer, justifier ce que l’on fait, mais surtout par les hautes sphères (encore) qui voient en nous une sorte d’animatrice rééducative (hein?), sauf que bon vu « que les résultats ne sont pas concrets » (je l’ai déjà entendu mot pour mot de la bouche de ma direction) c’est pas vraiment de la rééducation donc en fait c’est une animatrice (voire éducatrice, ou encore auxiliaire pour certains suivant le lieu d’exercice)… Bon bah elle va faire du groupe, et puis les bilans psychomoteurs pas le temps (et puis cf le cf plus haut -> on s’en fout!).

Notre profession peut être vite désemparée de sa fonction première au profit d’intervention sur le quotidien et sur les activités de groupe. Combien de fois et pour combien de psychomot, les toilettes évaluatives se sont transformées en simples toilettes car pas assez d’effectif, ou, de la part de la direction m’entendre dire « mais vous allez observer la toilette avec un AS/ou/éduc, ça risque de pas le faire, il va se sentir traqué »… (hein?) et oui car la psychomot a l’habitude de s’incruster à l’arrache lors d’une toilette sans informer personne, ni le résident, ni le pro, de sa démarche, c’est bien connu! Désolée je ne sais pas comment procède mes collègues psychomot (enfin si je sais que certains font comme moi, peut être que d’autres non, mais là n’est pas le débat) mais j’ai besoin d’avoir cette observation dans un premier temps pour voir la dynamique de la toilette du début à la fin du soin pour en dégager les points positifs, les capacités du résident, ainsi que les points à retravailler avec le résident, voire quelques conseils au pro… Mais non la démarche est perçue comme intrusive bien qu’elle soit expliquée à la direction… Ce qui bien entendu va à l’encontre de notre objectif premier: le respect du résident! Bref à ce moment la direction ne souhaite en réalité qu’une chose… que j’intervienne sur la toilette en temps que soin de nursing point barre! Alors certes, je prend le temps avec le résident pendant ce temps, puis comme ça se passe bien, l’équipe souhaite que j’intervienne de façon hebdomadaire, oui mais le problème c’est qu’on perd l’aspect thérapeutique car nous n’avons ici plus le recul suffisant pour permettre une observation fine de ce qui se trame lors de la toilette… J’en perd le nord et j’ai aujourd’hui parfois l’impression d’avoir perdu ma spécificité et que je n’arriverai plus à la retrouver. C’est destabilisant et dévalorisant!

 

Dans le même acabit, les prises en charge de groupes… qui se transforment en animations de (grands) groupes (parfois ouverts)… quand on tombe dans ce travers on aura du mal à faire valoir le petit groupe par le futur. Car oui prendre beaucoup de résidents ça arrange la vitrine… Parfois dans certains établissements on fait cela sans salle… dans un petit salon au fond d’un couloir voire en salle à manger (ahhh la salle à manger fut un temps mon bureau aussi, car oui pas besoin de vrai bureau pour la psychomot, elle écrit pas quand même en plus celle là)…

Mais bon avec le temps on s’adapte « on s’y fait » et on garde le sourire car on garde à l’esprit que le résident est la priorité et qu’on doit lui apporter de la sécurité et du bien être… Au placard les pec individuelles, les bilans et autres prescriptions médicales (cf le cf du cf => on s’en fout!)

Et oui sauf que, parfois la vie fait que l’on se remet en question (pour moi ce fut après mes grossesses)… Chacune de mes grossesses (à 6 ans d’intervale) m’a renvoyée en pleine face ces travers que je ne supportent pas depuis le tout début de mon activité pro… Et là c’est l’ANGOISSE…

 

Que faire pour améliorer ma pratique, pour qu’elle me semble cohérente et surtout en accord avec mes convictions? Me former? Changer de structure? Me résigner? Difficile à dire tellement le mal être professionnel est profond… Certaines images m’insupportent, j’ai de plus en plus de mal avec certains comportements professionnels, ces comportements auquels, blasée, je m’étais plus ou moins « habitueé » (résilience?) me reviennent de plein fouet… Je ne blame pas les comportements de mes collègues, qui sont bien souvent eux aussi blasés, épuisés, soumis au non-sens et qui dérapent facilement dans leurs paroles aux résidents, leurs actes (maltraitants). Le mot peut être choquant et pourtant nous sommes quotidiennement dans ce registre, malheureusement, que cette maltraitance s’exprime verbalement, comportementalement, voire parfois physiquement.

Sans pour autant frapper un résident, ce fameux « remplissage » de l’établissement par des résidents parfois mal orientés et le manque de formation adaptée des pros, dérape forcément un beau jour. Un exemple pour moi le plus frappant (et qui m’a définitivement fachée avec le milieu et menée à cet écrit) est celui d’un résident qui se trouvait dans le hall d’accueil avec de nombreux autres résidents et pros et qui entre « en crise ». Je veux dire par là qu’il s’agite physiquement pour une raison qui nous a échappé et qu’il se mord la main en criant… Après lui avoir dit de se calmer une première fois, le résident se fait plaquer au sol par quatre pros jugeant qu’il était dangereux pour les autres résidents… Je ne l’ai pas vu de cet oeil au premier abord et j’ai la conviction que ce résident aurait pu être calmé d’une façon bien plus contenante et sécurisante qu’un plaquage en règle… Encore une fois je ne jette pas la pierre à ces pros mais plutôt au milieu et aux hautes instances qui nous déshumanisent par leurs (mauvais) choix… Le problème ne semble pas institutionnel puisqu’il est visible dans diverses structures de diverses régions! D’où vient cette pression qui nous mine et amène certains professionnels à ne plus avoir d’empathie.

 

A ce jour, je vis ma profession comme une obligation et je cherche désespérément un moyen de me retrouver pour ne jamais tomber moi même dans la dérive! Comment apporter du bien être à une personne quand soi même on vit dans la crispation et la frustration?

J’espère que cette lettre permettra d’ouvrir les esprits sur la réalité du terrain, souvent désarmante et tellement déstabilisante pour un jeune professionnel arrivant dans le milieu… Le psychomotricien peut facilement se sentir esseulé car les établissements n’en comptent souvent qu’un dans leur effectif, sur un temps partiel majoritairement.

Les groupes privés de psychomotriciens, les associations et autres regroupements de psychomot sont importants, ils permettent de parler de cette immersion dans la réalité du terrain.

Article écrit par Aline d’accompagnerbb

 

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